Théâtre Alsacien Strasbourg
 
NEWSLETTER N°22
 
La comédie est décidément à l'honneur de cette 121e saison du TAS ! Après avoir pu rire aux éclats devant les gags de « Goodbye Pfefferminz », le public est cette fois invité à se délecter des pitreries de monsieur Jourdain dans la plus célèbre des comédies de Molière : « Le Bourgeois gentilhomme ». Jean-Paul Zimmer, qui a traduit lui-même le texte, orchestre une mise en scène spectaculaire, où la richesse des costumes le dispute à la beauté des ballets et des chants. Partie-prenante de cette production, la comédienne Bénédicte Keck nous parle de son amour pour l'alsacien, qui irrigue tous les aspects de sa vie.
 
 


«De Edelmannburjer»
d'après «Le Bourgeois gentilhomme», de Molière
Traduction et mise en scène de Jean-Paul Zimmer
Chorégraphie : Richard Caquelin

 
 
 
 
Le Théâtre Alsacien Strasbourg poursuit sa saison théâtrale avec la comédie «De Edelmannburjer », traduction par Jean-Paul Zimmer du chef-d'ouvre de Molière « Le Bourgeois gentilhomme ». Il s'agit d'une comédie-ballet en 5 actes, jouée pour la première fois devant le roi Louis XIV, sur une musique de Jean-Baptiste Lully. Jean-Paul Zimmer a adapté le texte en alsacien, en gardant les costumes d'époque, ainsi qu'une partie des chants et des ballets de la version originale. Richard Caquelin réalise les chorégraphies dansées dans le respect de la tradition ; les chants sont interprétés par un groupe de chanteurs.
En riche bourgeois, M. Jourdain entend acquérir les manières des gens de qualité. Il décide de commander un nouvel habit plus conforme à sa nouvelle condition et se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie, autant de choses qui lui paraissent indispensables à son état de gentilhomme. Il courtise Dorimène, une marquise veuve, amenée sous son toit par son amant, un comte autoritaire, qui entend bien profiter de la naïveté de M. Jourdain et de Dorimène. Sa femme et Nicole, sa servante, se moquent de lui, puis s'inquiètent de le voir aussi envieux, et tentent de le ramener à la réalité du prochain mariage de sa fille Lucile avec Cléonte. Mais ce dernier n'étant pas gentilhomme, M. Jourdain refuse cette union.
Cléonte décide alors d'entrer dans le jeu des rêves de noblesse de M. Jourdain, et avec l'aide de son valet Covielle, il se fait passer pour le fils du Grand Turc. Il obtient ainsi le consentement de M. Jourdain, qui se croit parvenu à la plus haute noblesse après avoir été promu « Mamamouchi » lors d'une cérémonie turque burlesque organisée par les complices de Covielle.
Sous la direction de Jean-Paul Zimmer, Yannick Hornecker joue le rôle-titre, et tout un ensemble de comédiens et de chanteurs participent à ce spectacle grandiose dans l'esprit et la tradition du théâtre de Molière.
 
Les représentations sont données sur la scène de l'Opéra, Place Broglie à Strasbourg. Le spectacle joué en alsacien est entièrement surtitré en français.
 
Représentations : en soirée, les 21, 22 et 23 février 2019 à 20 h
en matinée, le dimanche 24 février 2019 à 14 h et à 17 h 30
 
Renseignement et réservation téléphonique au 06 33 260 300
Achat en ligne sur le site du TAS, www.theatre-alsacien-strasbourg.fr
Les billets sont en vente à la caisse de l'Opéra National du Rhin, place Broglie, de 12 h 30 à 18 h 30, ainsi qu'à la Boutique Culture, place de la Cathédrale
 
Renseignements et réservations
au 06 33 260 300, de 9h à 12h et de 14h à 18h
ainsi que sur webtas.fr
 
 
Distribution :
 
Monsieur Jourdain, e richer Gschäftsmann Yannick HORNECKER
Madame Jourdain, sini Frau Cathie GEORGER
Lucile, sini Dochter Catherine JUNG
Nicole, dienschtmaidel Michèle MEHN
Cléonte, liebhawer vun de Lucile Jérémy FISCHER
Covielle, im Cléonte siner Diener Julien HENNI
Dorante, e Comte Julien RIEHL
Dorimène, e Marquise Bénédicte KECK
Müsiklehrer Philippe RITTER
Balletmeischter José MONTANARI
Waffemeischter Christian LAFFERT
Philosophiemeischter Louis HOENNIGE
Schniedermeischter Bruno JUNG
E Lakaï Jean-Louis BURCKEL
E Lakaï Pierre NONNENMACHER
Mufti, e Turc Claude MATTHISS
 
 
4 Figürantemüsiker : Bruno JUNG - Claude MATTHISS - José MONTANARI - Philippe RITTER
 
Les chanteurs : Odile BARREAULT - Elisabeth RITTER - Pascale SIEGRIST - Magali WELLY - Lionel KUHN - Christophe WELLY - Jacky WENGER
 
Les danseuses : Justine FORTIER - Aline REDER - Karelle DUPOIRON - Noémie GEORGE - Clara BOTTLAENDER - Déborah JEANTET
 
 
De nejgierig Storich mecht wisse
 
Posée, souriante, enthousiaste, Bénédicte Keck éclaire de sa personnalité solaire les productions du TAS depuis une décennie. Résolument engagée dans la défense de l'alsacien, elle est également une figure de la vie culturelle locale, qui agit au quotidien pour la sauvegarde de notre langue. Rencontre avec une jeune femme passionnée, aux multiples talents.
 
 
 
Dans « De Edelmannburjer » tu interprètes le rôle de Dorimène, la marquise dont les beaux yeux font mourir d'amour monsieur Jourdain. Jouer dans un grand classique du théâtre, c'est un plaisir particulier ?
 
Dorimène est une femme indépendante et libre, qui finit même par sauver son amant, Dorante, de la ruine. Pour moi elle est une féministe avant l'heure, capable de mettre KO les hommes qui gravitent autour d'elle. C'est un plaisir d'incarner ce rôle, mais avant tout un plaisir de le jouer avec des gens que j'aime. Il y a dans notre groupe une cohésion qui fait que ça marche et que tout coule de source. C'est aussi une fierté de jouer « Le Bourgeois gentilhomme » en alsacien. Quand j'en parle autour de moi, les gens sont surpris, ça éveille leur curiosité et leur envie. C'est une pièce que tout le monde ou presque connaît. En la répétant, je découvre également ce qui faisait rire les gens il y a 300 ans. J'imagine les spectateurs d'alors qui venaient découvrir la pièce. Il y a des choses qui nous font sourire aujourd'hui mais qui, à l'époque, étaient certainement novatrices. D'une façon ou d'une autre, le public appréciera la beauté du spectacle que nous avons monté, avec le ballet et le chant, les costumes, le souci de la recherche historique.
Certaines répliques sont compliquées, au plus près du texte de Molière, et nous demandent, à nous comédiens, beaucoup de concentration. C'est une gageure à certains égards.
 
En parlant de texte et d'adaptation, tu as toi-même déjà traduit des pièces en français pour le surtitrage.
 
Oui, j'en ai traduit trois : « Pension Scholler », de Knut Kaulitz, « D'r Herr Maire », de Gustave Stoskopf, et « Unter'm Dànnebaam », de Philippe Ritter. J'ai pris beaucoup de plaisir à traduire le « Herr Maire », parce que j'aime tout particulièrement Stoskopf. Je pense que cette pièce n'a d'ailleurs jamais été traduite en français, à part peut-être pour le sous-titrage du film en noir et blanc de 1939, réalisé par Jacques Severac avec Leonie Bussinger et Georges Maurer. J'ai pu me rendre compte des limites de l'exercice de la traduction, à cause des spécificités de notre langue et de notre culture qui font qu'on perd forcément quelque chose dans le procédé. Parfois, à force de creuser, on finit par trouver des solutions pour contourner les difficultés, mais parfois non. C'est très intéressant. Une partie de ma mission au sein de l'OLCA consiste justement à traduire du français vers l'alsacien des textes institutionnels, médicaux, historiques... C'est très varié. Je traduis également des albums jeunesse comme « Mini-loup », et je suis particulièrement fière d'avoir traduit en alsacien « Jean de la Lune », de Tomi Ungerer. Tomi l'a aimé. Je l'ai entendu dire dans une interview que ma version alsacienne était pour lui comme une nouvelle histoire. Il se délectait de certains mots que j'ai employés. J'ai également écrit « L'Alsacien quelle langue » avec mon mari Adrien Fernique, publié chez Jean-Paul Gisserot en 2014, ainsi que « L'Alsacien pour les nuls » en 2010 et « L'Alsacien en cinq minutes par jour », chez First en 2017.
 
Peux-tu nous parler de ton engagement au sein de l'OLCA, l'Office pour la Langue et les Cultures d'Alsace et de Moselle ?
 
Je travaille à l'OLCA depuis 2008. Pour moi c'est comme une consécration. J'étais déjà membre de l'association AJFE, donc c'était fantastique d'être engagée, avant même la fin de mes études, dans cette structure professionnelle. Notre mission consiste à sensibiliser, informer et mettre en confiance les utilisateurs de l'alsacien et de les aider à dépasser les complexes et les préjugés en leur fournissant des outils pratiques. C'est un métier très polyvalent, qui demande une grande capacité d'adaptation. Il s'agit d'oeuvrer en faveur de l'alsacien en général. Et il est partout, il faut donc pouvoir répondre quotidiennement à des demandes qui émanent à la fois des communes, des associations, des écoles... Notre action ne concerne pas uniquement l'alsacien en tant que tel, mais aussi toutes les langues minoritaires historiques de la région, comme le platt, le welche, le yiddish ou encore le yéniche. C'est un travail pour lequel j'ai eu à cour de développer une expertise dans plusieurs domaines. Je suis souvent frustrée de ne pas pouvoir en faire autant que je voudrais. On me surnomme parfois « Madame Plus » et c'est vrai que ça m'amène parfois à la limite du surmenage. Le théâtre, au milieu de tout ça, est pour moi un divertissement, un loisir, pas une source de stress. Le trac que je peux rencontrer avant de monter sur scène est positif, c'est un stimulant.
Par ailleurs, je suis contente que l'OLCA et le TAS aient collaboré occasionnellement, en réalisant la captation de « D'r Inbildungskrank », disponible sur le site « Sammle », et en soutenant financièrement la production du « Journal vun de Anne Frank ». L'OLCA soutient également la Fédération des Théâtres alsaciens
 
 
L'alsacien tient donc une place importante dans ta vie.
 
Je dirais même qu'elle est centrale et que pour moi c'est vital. C'est la langue que j'utilise en famille, avec mon mari et mes filles. Tout passe et se passe par cette langue que j'ai eue à cour de transmettre pour éviter que le français, enseigné à l'école et dominant dans notre culture actuelle, ne prenne le dessus. J'avais le désir de transmettre à mes enfants une langue riche. Pour Freya, ma fille aînée, c'est la langue dans laquelle elle rêve, joue et imagine. C'est un cadeau que j'ai eu envie de leur faire. Mais tout se passe sans contrainte, dans la sérénité. Elles s'en sont emparées et sont fières de la parler. Mais il y a aussi de la place pour le français et l'allemand, qui sont loin d'être bannis.
 
Faire du théâtre en alsacien, c'était donc une évidence ?
 
Je n'ai jamais eu le désir de faire du théâtre dans une autre langue. J'ai d'ailleurs du mal à jouer en français, je ne me sens pas du tout en phase avec cet exercice, au point où j'ai préféré décliner un jour un rôle de personnage francophone que Bernard avait voulu me confier dans « Alles numme Theater », de Philippe Ritter. Mes parents jouaient tous les deux dans la troupe de théâtre alsacien de Drusenheim. Ma mère a même joué enceinte de moi. Mon père ensuite a fait partie pendant 25 ans de la troupe de Herrlisheim. C'est là que j'ai fait mes débuts. J'y ai joué entre l'âge de 18 et 19 ans, en 2001-2002. J'ai ensuite arrêté pour les études de Langues étrangères appliquées que j'ai suivies à Strasbourg. Là, je suis allée voir plusieurs pièces du TAS. Je me souviens spécialement de « s'Paulette vun de Vogesestross », « Enfin redde m'r nimm devun », « Louise » ou encore « Zwei Brueder ». J'étais une fan absolue du jeu de Julien Henni et de Fabienne Scharwatt !
En 2008, Julien Riehl, qui est un ami du lycée et qui était membre de la troupe, m'a suggéré de les rejoindre. J'ai eu un entretien avec Pierre Spegt qui m'a tout de suite proposé un rôle dans « De Katzemigger » : celui de la princesse. J'étais ravie, parce que j'ai tout de suite eu quelques lignes de texte, ce qui est plutôt inhabituel. Et surtout, dans la pièce, Fabienne Scharwatt interprétait ma mère et Julien Henni le prince charmant que je devais embrasser sur scène ! J'étais extrêmement impressionnée, mais ils étaient évidemment charmants et m'ont mise à l'aise tout de suite. J'ai eu de bons retours de la part de Pierre. Durant trois saisons, j'ai joué exclusivement à Noël, puis j'ai eu un premier rôle «hors conte» dans « s'Umbringer Trio ». J'étais tellement stressée que j'ai eu une extinction de voix lors de la première ! Et depuis, tout s'est enchaîné...
 
Quel est ton souvenir le plus mémorable sur scène ?
 
C'est assez difficile de répondre à cette question, mais je dirais le rôle d'Elsa Koeberlé dans « De Adler un de Leeb ». C'est un personnage qui a existé et que j'ai été très fière d'interpréter. Et puis il y avait cette poésie que je devais dire face au personnage interprété par Elisabeth Ritter. La scène était très chargée émotionnellement et j'ai été assez intimidée de devoir le dire en français, ce que je n'avais jamais fait sur scène. J'ai dû beaucoup travailler pour l'amener avec justesse. C'était un sacré moment ! Je suis également très fière d'avoir incarné Grethel dans « D'r Herr Maire », la sour du personnage de Maryline Heilig. Dans « De Journal vun de Anne Frank », j'ai à nouveau joué la sour de Maryline, cette fois dans un contexte bien plus dramatique. Lors d'une représentation, à la fin d'une scène très intense, nous sommes tombées dans les bras l'une de l'autre avec beaucoup de naturel, sans l'avoir répété. Je ressens beaucoup de connivence entre nous, de la confiance, de la complicité. Quand on se retrouve sur la même longueur d'ondes comme ça, on sent qu'il peut se passer n'importe quoi et qu'on retombera toujours sur ses pattes !
 
 
Que t'évoquent les 120 ans du TAS, que nous avons fêtés l'an dernier ?
 
Tous les gens qui ont joué avant nous sur cette scène ! Le TAS est une institution de la vie culturelle strasbourgeoise et je suis fière d'en faire partie. Il fait partie des murs à l'Opéra. On a la légitimité de l'âge. J'espère bien qu'on vivra 120 ans de plus !
 
Pour finir, quel est ton lieu préféré à Strasbourg ?
 
Des lieux où on mange. J'adore le Coin des pucelles et la Coccinelle, avec leur décor ancien. On y fait un bond dans le temps dans une ambiance préservée, à part. J'aime m'y retrouver avec les gens que j'aime, c'est comme un cocon : quand j'y suis, je n'ai plus envie de partir, il faudrait pouvoir y habiter !
 
Propos recueillis par Stéphanie Schaetzlé
 
Plus d'informations exclusives dans notre programme,
en vente lors des représentations auprès des ouvreuses
 
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