Théâtre Alsacien Strasbourg
 
 

La newsletter du TAS, HS n°7

 

Les plus grosses chaleurs de l'été sont passées, les matinées sont plus fraîches et préfigurent une fin de saison qui se parera bientôt d'une explosion de couleurs : la pause de l'été, pour les membres du TAS, touche lentement à sa fin et la nouvelle saison s'apprête à réclamer l'attention de chacun. Pour Nelly Scherrer, coiffeuse du TAS depuis près de 20 ans, il faudra attendre le soir de la générale de la pièce «Zusatzzahl», qui ouvrira la 121 e saison du TAS le 3 novembre prochain, mais elle affûte déjà ses ciseaux en réfléchissant à la préparation de ses perruques. Un soir de violent orage, chez elle, à Lampertheim, elle a accepté de parler de son parcours.

  


  

De nejgierig Storich mecht wisse

 

Lorsqu'elle travaillait encore, Nelly Scherrer faisait activement la promotion du Théâtre Alsacien Strasbourg dans son salon de coiffure de Lampertheim en disposant affiches et programmes à l'attention de ses clients. Le soir, elle posait les ciseaux pour les troquer contre peignes et fers à friser dans les coulisses du TAS. Joviale, d'une humeur égale, depuis la saison 1999-2000, elle est en effet la coiffeuse attitrée de la troupe et sait apaiser d'un sourire ou d'une parole encourageante le trac des comédiens qui s'installent sur son fauteuil avant d'entrer en scène. C'est aussi une professionnelle prête à relever tous les défis capillaires. Rencontre avec une jeune retraitée d'une énergie… ébouriffante !

 

Là, c'est l'été, mais des metteurs en scène t'ont déjà contactée pour te communiquer leurs idées pour la prochaine saison ? Est-ce que tu as des choses particulières à faire durant cette période de l'année ?

J'ai déjà rencontré Jean-Paul Zimmer au sujet de sa pièce «De Edelmannburjer», qui sera jouée au mois de février 2019, et fait le tri des perruques. Cette fois, je vais être obligée de faire des essayages avant la générale, ce qui n'est pas habituel. Mais il y a énormément de perruques avec des styles particuliers. Nous avons quelques modèles Louis XV dans notre stock, mais elles sont blanches. Il faudra que je les passe à la bombe et donc que je fasse des essais. Nous utiliserons aussi des perruques de l'Opéra.

 

Le TAS possède son propre stock de perruques. Est-ce que tu connais son histoire ? Est-ce que tu l'utilises ?


Monsieur Heidt, qui a été maquilleur du TAS pendant des années, et son épouse madame Heidt, qui était coiffeuse, fabriquaient eux-mêmes des perruques. Plus tard, ils se sont reconvertis dans les accessoires de fête qu'ils vendaient dans leur magasin Litéa, situé près de la gare. Leurs créations sont des pièces fabriquées à l'ancienne, elles sont en cheveux naturels, ce qui signifie qu'on peut les coiffer réellement, les transformer, contrairement aux perruques actuelles, sur lesquelles on ne peut presque rien faire. Les perruques courtes, notamment, ont une coiffure dont il faut se contenter. Curieusement, beaucoup de perruques sont assez petites, je ne sais pas pourquoi. Peut-être que les acteurs pour qui ils les élaboraient avaient justement des petits tours de tête ? En tout cas, je suis souvent obligée de tricher un peu. Quand elles sont bien ajustées sous le front, il n'est pas rare que l'arrière de la tête soit un peu à nu !

 

 

Quel est ton parcours ? Comment as-tu commencé au TAS ?

Quand j'étais jeune, j'avais les cheveux longs, nattés, avec une frange, je n'allais donc pas souvent chez le coiffeur. Ma mère a longtemps refusé de me laisser couper les cheveux. Mais la coiffure m'intéressait. Quand j'ai eu l'âge de partir en apprentissage, on m'a rétorqué que j'avais un niveau scolaire trop élevé pour ce genre d'orientation. J'avais tellement envie de devenir coiffeuse que j'ai tout simplement arrêté de travailler. Sauf en allemand, parce que j'aimais la matière. Devant mon obstination, on m'a fait bénéficier d'une dérogation pour que je puisse intégrer un apprentissage rue des Grandes Arcades à 14 ans. Cette avance m'a beaucoup apporté dans ma vie professionnelle. J'ai passé mon Brevet professionnel puis démarré une maîtrise que je n'ai pas finie. J'ai fait une pause d'un an durant mon apprentissage, pendant laquelle j'ai pris des cours de couture le lundi. Ça m'a donné beaucoup de satisfaction. J'ai démarré en tant que coiffeuse avant même de finir mon CAP. J'ai d'abord travaillé rue Oberlin, puis rue des Pontonniers, avant d'ouvrir mon salon à Lampertheim, mon village natal, en 1982. Un Noël, dans l'entrée de l'église protestante, Philippe Ritter, qui est un copain du quartier et un ancien camarade d'école, m'a demandé si ça m'intéresserait de coiffer pour le TAS, puisque leur coiffeuse attitrée, madame Heidt, envisageait de prendre sa retraite. Je connaissais la troupe, parce qu'il m'avait souvent proposé des places par le passé. J'ai accepté. J'ai commencé à la mi-saison 1999-2000. J'ai d'abord beaucoup observé la façon de travailler de madame Heidt avant de mettre assez rapidement la main à la pâte. Moi je ne travaille pas comme elle. Pour en revenir aux perruques, par exemple, elle les nettoyait à l'essence F. Sur certaines, l'odeur persiste des années après. Pour ma part, je les lave au shampooing.

Ce qui m'a frappée, c'est que j'ai tout de suite eu l'impression de faire partie de l'équipe. Depuis, je n'ai pas arrêté. Au cours de la saison, je suis présente lors des répétitions générales et de toutes les représentations.

 

Comment prépares-tu les idées de coiffure pour une pièce ?

Parfois, le metteur en scène arrive avec ses idées, photos ou illustrations à l'appui. Parfois c'est moi qui cherche sur Internet ou dans les souvenirs de films que j'ai vus. Quand je vois une fiction, je suis généralement très attentive aux coiffures, spécialement depuis que je suis au TAS !

 

Parfois il faut coiffer énormément de monde, comme par exemple lors des contes de Noël. Est-ce que c'est stressant ? Est-ce que tu as le trac ?

Ce qui est stressant, c'est de devoir faire en sorte que tout le monde soit prêt à l'heure, au lever du rideau. Nous exigeons que les comédiens arrivent une heure avant le début de la pièce, pour qu'ils aient le temps de se préparer et de résoudre les éventuels problèmes de dernière minute. Parfois, certains acteurs sont stressés et veulent être coiffés le plus tôt possible, bien qu'ils n'entrent pas forcément en scène les premiers. Certains d'entre eux profitent de ce moment d'immobilité pour se calmer, se concentrer ou répéter leur texte à voix haute, seul ou à deux. Au début, j'étais parfois déroutée, je croyais qu'ils me parlaient ! J'ai parfois le trac un ou deux jours avant la première, parce que je prépare les perruques sans les avoir essayées sur les comédiens et que je n'ai que la générale, ou parfois la colonelle, pour régler les problèmes qu'elles pourraient poser.

 

 

Est-ce que tu dois travailler en collaboration avec Sylvie Schneider-Muller, qui maquille les comédiens ?

Généralement, elle maquille les comédiens avant que je ne les coiffe. Nous travaillons côte à côte aussi souvent que possible. Il m'arrive même de lui donner un coup de main au maquillage quand le travail est moins exigeant de mon côté.

 

Est-ce qu'il t'arrive de devoir faire des raccords une fois la pièce entamée ?

Oui, j'ai parfois même des changements complets de coiffures en plein milieu de l'intrigue ! Ou des personnages qu'il faut vieillir s'il y a un bond dans le temps. Je recoiffe, replace des postiches qui ne tiennent pas. Parfois je suis postée en coulisses pour pouvoir intervenir le plus vite possible. Et il faut presque toujours recoiffer les acteurs qui ont dû changer de costume.

 

Coiffer pour le théâtre, c'est différent que de coiffer pour la vie de tous les jours ? Est-ce que tu utilises d'autres techniques, d'autres produits ?

J'ai l'occasion d'utiliser des techniques oubliées que j'ai apprises au cours de mon apprentissage il y a 40 ans. Certaines sont encore au programme des épreuves d'examens de maîtrise. Je suis contente de pouvoir encore les utiliser, pour éviter que ces coups de main se perdent, comme le fait de créer des anglaises par exemple. La pose de postiches, par ailleurs, est devenue très rare de nos jours.

 

Quelle satisfaction retires-tu de ce travail ? As-tu déjà été particulièrement fière d'une coiffure ?

Justement, j'ai la satisfaction de pouvoir réaliser des coiffures différentes, travaillées avec d'autres techniques. Je dois élaborer des coiffures sophistiquées, que je n'ai pour certaines jamais eu l'occasion de faire au salon. Aujourd'hui, la mode est au naturel, même pour des occasions ou des cérémonies. C'est parfois un peu frustrant. Le TAS me permet de retrouver ce plaisir. En revanche, j'ai parfois très peu de temps pour réaliser ces coiffures, ça demande pas mal de préparation en amont. J'ai assez peu de retour sur mes créations. Je suis contente quand, après une générale, le metteur en scène me dit que les coiffures ont convenu, que c'était bien ce qu'il voulait : c'est gratifiant. Les comédiens apprécient eux aussi mon travail.

 

Quel est ton souvenir le plus mémorable ?

Je me souviens avoir été totalement prise de court lors d'une générale, quand on m'a appris que Nicole Burckel, aux cheveux courts, remplaçait au débotté Danielle Albert, aux cheveux longs. Evidemment, impossible de lui faire la coiffure qui était prévue ! J'ai été obligée d'improviser totalement en quatrième vitesse avec un grand chapeau pour masquer sa coupe qui ne cadrait pas du tout avec l'époque. Je me souviens aussi avoir un jour mal noté la date d'une répétition générale. Je terminais un stage professionnel par un repas à la Maison Kammerzell quand on m'a appelée pour me demander ce que je fabriquais. J'ai couru jusqu'à l'Opéra ! Evidemment, je n'avais aucun matériel avec moi. J'ai dû appeler mon fils pour qu'il récupère une perruque à la maison et je me suis arrangée avec un habilleur pour emprunter du matériel dans le salon de coiffure de l'Opéra. C'était un sacré moment de stress ! Je me souviens de cette course invraisemblable à travers le centre-ville…

 

Que t'inspirent les 120 ans que nous avons fêtés lors de la saison passée ?

Je trouve ça bien qu'une association dure aussi longtemps que le TAS en étant aussi active, sans connaître de baisse de régime, grâce à l'implication de tous ces gens. Personnellement, je place le TAS dans mes conversations aussi souvent que possible. Pour moi, c'est important que nous fassions du théâtre en alsacien, ça permet de promouvoir notre langue.

 

Pour finir, quel est ton lieu préféré à Strasbourg ?

Au printemps, la place de la République, avec ses magnolias en fleur. Après, le reste de l'année, je dois reconnaître que la ville n'est pas trop mon truc. Je n'ai pas le réflexe d'y aller, même si je la trouve belle et qu'on est juste à côté !

 

 

Propos recueillis par S. Schaetzlé

 


 

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